Le soir, au fond de mon lit, lorsque je viens
d’éteindre la lumière pour chercher le sommeil, durant un instant
je me retrouve plongé dans une obscurité singulière, plus dense et
opaque que la plus concentrée des encres noires, plus profonde que
la plus épaisse nuit : une obscurité si complète qu’elle en
devient palpable, si absolue qu’elle trouble mes sens et me
désoriente comme le vertige que j’éprouve parfois en m’endormant,
quand je flotte entre conscience et inconscience, puis me sens tout à
coup basculer dans le vide, m’éveillant en sursaut !
N’est-il pas curieux que mon cerveau, malgré ce
rituel, bien qu’il sache par avance que l’éclipse sera totale –
puisque c’est lui qui pilote l’action d’éteindre –,
n’informe pas en même temps mes yeux pour aussitôt adapter ma
vision à la nuit qui s’abat ? Mes yeux dont la pupille
demeure par conséquent fermée afin de réguler l’intensité d’un
éclairage qui a pourtant cessé d’exister ; ce qui entraîne
cette sous-exposition massive des rétines, déclenchant à son tour
ma sensation de noirceur extrême. Comme si le cerveau, malgré sa
puissance et son degré d’évolution, hésitait encore à prendre
le contrôle de la vue, préférant s’en remettre à la réponse
après coup du réflexe pupillaire, autrement dit, à l’irrationalité
de notre inné le plus primitif !
Mais peut-être notre esprit rechigne-t-il tout
simplement à regagner la nuit parce que nous aimons trop la
lumière ? Parce que nous avons fini par croire que le blanc est
la règle et le noir l’exception. Parce que nous avons oublié que
la clarté n’est pas l’état normal, par défaut, de l’univers,
mais que c’est bien l’obscurité ; et que le principe de
toute chose ne repose en fait que sur des ténèbres !
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