Ô je te connais bien, toi qui erres dans mes parages. J’en ai pris l’habitude, devenue nécessité – ne me demandez pas pourquoi. Je sais seulement que je te confie ma langue. Bien que tu ne sois pas si reconnaissant après tout. Trop sauvage sans doute. Trop indépendant. Pas facile de t’approcher. Tu préserves entre nous ta distance de sécurité. Qui m’empêche de te nourrir. De toute manière tu refuserais. Tu es trop fier pour ça. D’ailleurs, à bien des égards, c’est davantage moi qui me nourris de toi.
Parfois, tu t’éclipses des jours durant. Mais quand tu n’es pas là, pas question de danser. Pas du tout. Ces jours-là sont bien sombres. Tu me manques, c’est tout – ne me demandez pas pourquoi. Je n’en dors plus la nuit. Je t’attends. Je t’attends et j’espère notre prochaine communion. Éprouver une fois encore la rare intensité de cet instant exceptionnel. Trop bref. Qui se produit d’un coup, sans signe avant-coureur. Quand tu m’invites sans raison dans ta bulle magique. Lorsque dans un élan voluptueux, d’un mouvement de tête, à la fois plein de grâce et de violence, tu viens cogner ma jambe. Et que je vibre d’un étrange frisson, lorsque tes hanches électriques me frôlent doucement. Quand tu me regardes avec tes grands yeux qui me racontent tant d’histoires et dans lesquels, à ce moment-là, j’ai l’impression de pouvoir lire. Quand tu me laisses enfin – oh ! à peine – effleurer ton dos rond d’une main timide. Sans jamais dire un mot – car le silence est ton royaume, comme l’est la pénombre. Puis tu repars déjà. Tu m’abandonnes seul et désemparé, en proie à un grand vide – ne me demandez pas pourquoi.
Fidèle compagnon, cruel sans le vouloir, je sais tapie en toi ma plus terrible angoisse : que tu t’en ailles un jour, définitivement ! |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire