2015-09-25

"Entre chats…"


Malgré leur apparente indifférence, j’aime mes chats de compagnie : d’un amour désintéressé ne leur réclamant en retour que le plaisir de leur présence sporadique. Et je sais que ces chats m’aiment aussi et m’aimeraient encore quand bien même cela me serait égal. Nous nous aimons c’est tout, à notre manière, à l’occasion, sans en faire tout un plat. Assez pour vivre sous le même toit, à moins que vivre sous le même toit nous ai poussé à nous aimer à force de connivence induite par la proximité. Mais qu’importe, seul le résultat compte et nous apprécions de vivre côte à côte. Même si vivre est ici un bien grand mot : nous partageons plutôt un abri commun où nous savons pouvoir nous réfugier à tout moment si nécessaire, comme une sorte de camp de base où nos chemins ne font que se croiser, car nos vies parallèles ne pourront jamais se confondre. Des vies somme toute ordinaires, caractéristiques de nos conditions respectives : pour l’un d’homme moyen, plus souvent au bureau que chez lui, sinon accaparé par les formalités quotidiennes ; pour les autres de chats domestiques, régnant la nuit sur un territoire de chasse débordant le jardin, quand ils ne dorment pas le plus clair de leur temps. Sous ce toit donc, nous nous saluons, le cas échéant, toujours avec plaisir, chacun selon son code que l’autre ne comprend pas, mais toutefois reconnaît. C’est notre façon d’être ensemble, nous y sommes habitués, et c’est d’ailleurs la seule possible compte tenu de notre profonde différence, que nous acceptons cependant de bon gré. Les choses vont ainsi, il n’y a pas là de quoi fouetter un chat. Sauf à me demander si ce n’est pas l’extrême de cette différence qui nous permet de l’accepter si aisément, sans arrière-pensée, comme allant de soi. Car si nous nous ressemblions davantage, tels des représentants d’espèces proches, nous aurions sûrement des envies communes faisant de nous des concurrents. Et, fatalement, cette rivalité nous intimerait de prendre l’ascendant sur l’autre, pour le contrôler, le maîtriser, voire l’évincer. Bref, nous serions contraints d’obéir à la loi du plus fort. Alors qu’il s’avère tellement plus simple, presque naturel, d’accepter l’étranger lorsque sa différence est absolue, sans points communs nouant entre eux les fils jusque-là libres d’existences propres, par des nœuds si délicats à défaire qu’à la longue ils irritent et deviennent source de conflits. Partant, beaucoup de gens tolèrent davantage les chats que leurs congénères, n’imaginant pas que, peut-être, s’ils considéraient simplement leurs semblables au même titre que leurs compagnons félins, tout le monde vivrait bien plus heureux – entre chats !


2015-09-11

"Canicule…"


Le monde en chaleur
ouvre son fond estival
de plastiques moites

Brûlants de rosée
à fleur de peau dévêtue
brillent ces aimants

Ainsi pie voleuse
la lumineuse attraction
par l’œil me capture

2015-09-05

"Courant d’erre…"


Cheminement hors points de repère,
abîme des yeux au fil des rivières,
le dos à soulever chaque pierre
sale : l’espoir répété sous terre
d’aérer l’éclat augurant la lumière
d’un combien précieux minerai d’enfer ;
puis à mains nues s’écorcher de l’extraire,
puis en fondre la matière première
sonore d’un vibrant chant stellaire
mis en musique par l’univers,
au royaume affranchi de frontières
où des orages immobiles, sans tonnerre
essorent un ciel noir luisant de poussière
inondant de pigments les pouponnières
immenses des futurs vents solaires.

Naufrage de l’esquif solitaire
cherchant l’ultime harmonie à faire :
le sublime chef-d’œuvre unitaire
à bomber le sens d’une survie précaire,
pour qu’il reste au moins cette prière
aiguë fichée en plein cœur du désert
comme une belle tombe étrangère
oasis qui dresse en haute mer
son écueil sauvage cerné de colère ;
où, accomplie leur orbite polaire,
viendront se poser aux côtés de l’hiver
d’insolents oiseaux qui échaufferont l’air
froid de leurs vagissements funéraires
hissant en buée drapée sur l’atmosphère
les couleurs d’un thrène aux franges lunaires.