2015-04-25

"L’ami noir…"


Le soir, au fond de mon lit, lorsque je viens d’éteindre la lumière pour chercher le sommeil, durant un instant je me retrouve plongé dans une obscurité singulière, plus dense et opaque que la plus concentrée des encres noires, plus profonde que la plus épaisse nuit : une obscurité si complète qu’elle en devient palpable, si absolue qu’elle trouble mes sens et me désoriente comme le vertige que j’éprouve parfois en m’endormant, quand je flotte entre conscience et inconscience, puis me sens tout à coup basculer dans le vide, m’éveillant en sursaut !

N’est-il pas curieux que mon cerveau, malgré ce rituel, bien qu’il sache par avance que l’éclipse sera totale – puisque c’est lui qui pilote l’action d’éteindre –, n’informe pas en même temps mes yeux pour aussitôt adapter ma vision à la nuit qui s’abat ? Mes yeux dont la pupille demeure par conséquent fermée afin de réguler l’intensité d’un éclairage qui a pourtant cessé d’exister ; ce qui entraîne cette sous-exposition massive des rétines, déclenchant à son tour ma sensation de noirceur extrême. Comme si le cerveau, malgré sa puissance et son degré d’évolution, hésitait encore à prendre le contrôle de la vue, préférant s’en remettre à la réponse après coup du réflexe pupillaire, autrement dit, à l’irrationalité de notre inné le plus primitif !

Mais peut-être notre esprit rechigne-t-il tout simplement à regagner la nuit parce que nous aimons trop la lumière ? Parce que nous avons fini par croire que le blanc est la règle et le noir l’exception. Parce que nous avons oublié que la clarté n’est pas l’état normal, par défaut, de l’univers, mais que c’est bien l’obscurité ; et que le principe de toute chose ne repose en fait que sur des ténèbres !

2015-04-23

"Narrée cage…"


Il n’y a pas de comédiens
sur cette scène de théâtre :
ceux-là sont rompus à débattre,
mais étrangers à jouer bien.

Il n’y a pas l’abord du bois,
seulement de la pierre blanche
et rien ne peut brûler ces planches
réfractaires comme le froid.

Il n’y a pas un grain de voix
sinon cet hydropique bruit
des pas qui font gicler des fruits
par terre un jus d’ailes aux abois.

Il n’y a que l’empreinte noire
de l’unique voie praticable :
ouvrant sa plaie au fil des sables
mouvants entre ceux sans histoire ;

et aiguillant le point sauvage
– à faufiler du drap lunaire
où se confondent ciel et terre –
de mon âme cousant sa cage !

2015-04-18

"Fleurs délices…"


Dès renouveau matin les nubiles
se dévergondent, à leurs persiennes
effeuillent leurs voluptés pubiennes
avec désinvolture – jubilent !
 

Mon regard alors main audacieuse
caresse les fruits ainsi offerts,
descend monte à la tête dans l’air
lourd, suit la chaleur des aguicheuses ;
 

enfin s’enhardit sous les buissons
pourlécher les nectars polissons
scintillant des corolles humides.
 

Non, ivres d’essences nymphomanes,
vers l’efflorescence des organes
mes yeux baissés n’ont rien de timide !

2015-04-04

"Chérir et aile…"


Chaque jour dans ma mémoire
je descends
les marches du sanctuaire
où je garde
mes plus précieuses reliques :
une image
languie, perdue au dehors ;
la présence
d’une voix, lue sur la piste
de silence
que je déroule au dedans.

Chaque jour dans mon histoire
je peaufine
le beau rôle principal
du reflet
qui habite mon miroir
et s’approche,
flottant de la profondeur,
vers la glace
poser ses doigts caressant
en surface
le bout déjà là des miens.
 
Pas un jour de mon histoire
je ne manque
d’arriver au rendez-vous
le premier,
de ressusciter la flamme
palpitante
suppliant un vol de nuit
d’atterrir
à l’orée de ma mémoire :
souvenir
proche et pourtant si lointain !