2013-11-22

"Écran plat…"


Tandis que supplicié tu écoutes,
cognant ton front goutte à goutte
à la cadence de l’habitude,
se déliter ta solitude ;
qu’écumant en ressac éternel
une morsure dentelle
abat de ses caresses à dents
tes plus solides continents ;
en son lent va-et-vient monotone,
crisse hors d’usure la gomme
qui efface à petit feu les stances
au crayon de ton existence.

2013-11-17

"De Re Coquinaria…"

D’abord te plier au hasard,
confier tes affres pondéreuses
à l’ivresse du courant d’air, 
pour les chasser hors de ta vue.

Pas forcément au loin de toi, 
ce qui importe vers un lieu 
que ne mentionne aucune carte.
Fais preuve ensuite de patience.

Avec une dose de chance, 
à l’occasion d’un nouveau souffle, 
certaines reviendront vers toi 
au bout d’un temps imprévisible.

Alors, nonobstant leur état, 
aie confiance en leur épopée 
et recueille dans l’instant même 
tes doutes ainsi transfigurés.

Puis, dans ton carnet en béance, 
avec d’infinies précautions, 
épanche-les sur l’asepsie 
des pages vides et stériles.

, si tu as bien procédé, 
un jeu d’arcanes lumineux 
noircira l’encre sympathique 
de la recette convoitée !

2013-11-12

"La faute au graphite…"

Que serais-je sans toi, ma chère barre à mine ?
Lorsque j’ai trop faim de pierres et de poussière, je me nourris par toi.
Tu es la pointe à excaver ma terre, à me remplir le ventre de gravats.
Et pour ne pas te perdre, je te serre toujours trop fort.
À blanchir mes phalanges sur tes rondeurs pincées.
Et c’est pourquoi tu me crains, et c’est bien normal – et je crois que c’est réciproque.
Et coincée dans ma main je te sens transpirante.
Et tu rends ma peau moite – ou peut-être est-ce moi.
Et pour que tu ne glisses pas d’entre mes doigts, je me crispe sur toi davantage encore.
Et je réalise qu’entre nous il est souvent question de hautes pressions !

La faim me noue l’estomac.
Et malgré cela, c’est plus fort que moi, je joue avec toi !
Desserre mon étreinte, à presque te lâcher.
Tourne la tête, regarde en l’air, feins de te laisser le champ libre.
Et tu finis par croire que je t’ai oubliée – comme si je le pouvais !
Mais à peine roules-tu dans ma main que je la contracte aussitôt.
Puis je recommence…
Tu ne peux m’échapper, tu es ma prisonnière.
Ma proie – comme d’ailleurs je suis peut-être aussi la tienne.
Je te malaxe du bout des dents, te mords du bout des doigts.
Tu es ma souris et je suis ton chat !
Je te goûte, je te lèche, je te garde au fond de ma gueule.
Fais durer mon plaisir, avec délicatesse, celle du prédateur, si cruelle !
Pour te sentir palpiter sur ma langue et m’enivrer de la tiédeur de ton corps.
Et de ce goût d’angoisse qui m’emplit la bouche.

Jusqu’à ce que ma faim devienne insupportable.
Qu’il soit temps d’en finir !
De te confronter au linceul, de t’éroder contre son grain.
Vibrer de ton souffle tandis que tu crisses, écorchée !
Et que s’allongent sur fond blanc les traînées de ton sang noir !