2013-03-29

"Le champ du signe…"

Ce petit oiseau-là
jamais plus ne sortira !
Il s’est déjà fait prendre,
inutile d’attendre !
Ce coucou n’existe plus,
ni son perchoir déchu :
une branche nue, tel un jet
lisse d’eau gelée
du Temps qui ne s’écoule,
ici qu’aucune pendule
ne le décompte.
De sa cage, quoique béante,
l’oiseau ne peut fuir,
juste se tenir,
au milieu des ressorts
cassés, sur un barreau mort !

2013-03-23

"Les bottes de ces lieux…"

Attente et pieds
Semelles des uns et des autres
Mélo botte omise

2013-03-22

"L’antre-pont…"

Proclame haut sa promenade
L’arche de béton et de verre
Qui prend la main de deux façades
Pour sa ronde entre ciel et terre

Mais ne dévoile pas surtout
N’être qu’un corridor sans danse
De poupées nues rangées debout
Le long de sa piste silence

Où tandis que les corps s’enlisent
En procession qui s’éternise
Dans ce pont des soupirs absents

Sur la peau d’artefacts sans âge
Roulent des gouttes d’éclairage
À la place d’un mauvais sang

2013-03-17

"Porte emporte…"

Tu te tiens devant la porte. Fermée. La porte parfois s’obstine à rester close. Paraît même y prendre un malin plaisir ! Tu ne comptes plus ces occasions où pour l’ouvrir tu t’es mis à la pousser alors qu’il fallait tirer, et réciproquement. Tous ces moments d’acharnement inutile avant de comprendre enfin qu’il te suffisait d’inverser ton geste pour que cède l’huis récalcitrant. Moments étonnamment toujours assez long pour que survienne cette panique absurde de rester enfermé ou de ne pas pouvoir entrer. La porte parfois est diabolique !

La porte est donc fermée, parce que selon Alfred de Musset : « Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée ». Et tu restes là, debout face à elle, ne sachant trop que faire. Tes yeux sont rivés à la poignée qui brille, faisant par contraste comme régner autour d’elle une étrange semi-pénombre. Poignée que tu n’oses saisir puis tourner afin d’ouvrir la porte ; te demandant ce qu’il y a derrière ; ne sachant plus très bien de quel côté tu te trouves, si tu vas sortir ou au contraire entrer en franchissant ce pas.

La porte, en quelque sorte, efface temporairement la ligne infranchissable qui court entre deux mondes. Elle ouvre une brèche permettant l’accès à un côté depuis l’autre. Mais surtout, au niveau de cet entre-deux, elle met au jour son propre non-monde à part, indéterminé, transitoire. L’emplacement de la porte, point de passage d’une situation à une autre, dissimule un « infra mince » duchampien : une « surface infinitésimale relevant de deux mondes à la fois ». Au niveau de la porte est mise à nu la jonction toujours à venir entre deux espaces qui n’en finissent pas de se rapprocher, sans jamais parvenir à se rejoindre : une transition perpétuelle mêlant un avant et un après ; où nous nous abîmons inconsciemment pendant une fraction de seconde chaque fois que nous franchissons la porte, c’est-à-dire des milliers de fois au cours d’une vie. Laps de temps infime durant lequel nous ne sommes plus ni d’un côté ni de l’autre, tout en y étant à la fois ! Et si nous pouvions nous arrêter là, ni l’espace ni même le temps n’auraient plus aucun sens et, par conséquent, plus de prise sur nous.

Le lieu de la porte, si inoffensif, si commun, te semble tout à coup investi d’un effrayant pouvoir d’aliénation. La tentation est grande de demeurer là, sans avancer ni reculer, en suspension sur cette frontière, figé dans la dimension fractale de cet « infra mince » où tu n’es plus vraiment dans l’endroit d’où tu viens sans être pour autant dans celui où tu vas. Mais déjà hors de l’influence de ces espaces conventionnels où le temps s’écoule inexorablement. Alors tu te demandes si cette confluence de deux mondes cache le secret de l’immortalité, la fontaine de jouvence. Personne ne le sait. Car personne encore n’a jamais eu la folie de s’éterniser dans l’encadrement de la porte. Porte que l’on franchit c’est tout, sans même s’en rendre compte, des milliers de fois au cours d’une vie !

Tu finis par tendre le bras vers la poignée luisante ; par la saisir, sentir le contact légèrement froid du métal poli. Puis tu la tournes tout doucement, comme pour éprouver la douceur de ce rouage : il ne fait aucun bruit. Puis tu ouvres enfin la porte. Dernière hésitation. Avant de faire un pas…

2013-03-10

"Courant se crée…"

Tant je regarde autour de moi
Ne vois qu’en choses familières
Formes pénétrées d’un mystère
Dont j’essaie de percer la loi

2013-03-05

"La vie t’anime, sait…"

T’achèves saison apogée,
En pied de nez apothéose
D’ocres, de jaunes et de roses,
À l’autre qui t’a limogée ;

Avec cette folle assurance,
Sur la lise de l’à venir
D’oser hisser dernier soupir
Aux couleurs de ton espérance ;

Si dédaigneuse insolemment
Qu’en un même élément glacé
Air, terre s’aillent condenser
Corps de l’épilogue imminent.

Car la vie dénie l’extinction,
Projette excroissances nouvelles,
Tient le pari de l’éternel,
Ne met que points de suspension…