2012-06-27

"L’écume-décours…"

Par la bouche de l’horizon
S’exhale un souffle nervuré
Montant en vague murmurer
Du bout des lèvres ses prisons.

Langue empesée de pyrexie
Fouillant la nuit lyophilisée,
Avide à lécher la rosée
Suintée au roc d’ataraxie.

Épilepsie du muscle fou
Contre les parois d’amertume
Tenant l’humeur sous les verrous ;

S’évertuant à recracher
À jets salés des fleurs d’écumes
Sur une gréve défrichée.

2012-06-26

"Équation du fin fond degré…"

Posée, craie au bleu,
L’égalité naturelle
Des termes vivants !

2012-06-21

"Le chevalier noir…"

Aux jeux des lumières
Tous les champions dans la lice
Se rendent à l’ombre

2012-06-20

"Ample et mobile…"

Faits d’abstraction par Nature
Semant points de suspension
D’ensorcelantes sculptures
En silencieuse ostension.

Accrochage au fil de fer
Des rameaux. Au bout de feuilles
Peintes d’ombre et de lumière :
Noir sur blanc ouvrant un œil.

Les plantes jouent à Calder
Au jardin des immobiles,
Exhumant des planétaires
Embaumés de chlorophylle.

Et comme l’esprit s'égare
À dégripper ces rouages,
Un vertige s’en empare
Qui le visse à cette cage.

2012-06-19

"Phytothérapie…"

Juin apothicaire,
Ta couronne est vulnéraire
Par l’éclat des simples !

2012-06-13

"Vapeurs des sens…"

Me consume à cette flamme
Qui n’éclaire aucun désir
Ne faisant que recouvrir
De cendres mes épigrammes

J’inhale l’âcre atmosphère
De mes nuits rougies à blanc
Dont chaque instant encre au sang
Mes illusions délétères

Conflagration qui me tord
Laissant mon âme en fumée
Pleurer l’espoir inhumé

Où visqueux grouillent encore
Parmi les tièdes décombres
D’horribles vers qui m’encombrent

2012-06-11

"Cellulaire…"

Troublante frontière que le cadre, non dépourvue d’ambiguïté ; dont le but n’est semble-t-il que de contenir la vue au microcosme qu’elle circonscrit, mais qui en même temps qu’elle emprisonne le regard dans son monde étriqué, lui tend les clés pour s’en évader.

Vers l’intérieur surexposant un échantillon du visible, une fraction de réel privée d’un pan de son contexte, où l’attention est condamnée à tourner en rond, n’ayant d’autre issue que de se focaliser davantage sur les mêmes éléments pour chaque fois les redécouvrir ; contrainte de déguster en aveugle cet extrait de monde, sans véritable choix autre que d’y errer, mais surtout, sans promesse de fin ; y creusant un puits sans fond où l’esprit finit par s’abîmer dans un océan de détails en perpétuel mouvement, peu à peu assimilé par la promiscuité de cet encombrement : évasion en quelque sorte par coalescence.

Vers l’extérieur, par tentatives répétées de répondre à l’inévitable question de ce qu’il advient hors champ ; c’est-à-dire envisager tous les possibles – et même au-delà – que le cadre omet, mais n’a pourtant de cesse de suggérer ; révélant ainsi une zone ouverte, floue et mystérieuse, proposée en exclusivité à l’imaginaire et aménageable à sa guise. Un espace d’émancipation absolue évoluant hors des sentiers battus du visible, où la pensée est libre de vagabonder, d’aller fouiner partout, aussi loin et longtemps que le carburant des rêves n’est pas épuisé : fuite en somme par une manière d’extravagance.

Tel est ce double paradoxe du cadre : d’être une prison qui offre la liberté ; selon deux voies mutuelles dont les influences s’établissent en se contrariant. Cadre qui s’apparente à une membrane cellulaire : non pas hermétique, comme on pourrait le croire de prime abord, mais au contraire perpétuant le lien et favorisant l’osmose entre le milieu qu’il enclot et celui exclu ; cadre dont la fragile cohérence dépend là aussi d’un équilibre des pressions : entre l’intérieur en présence et un extérieur en puissance.

2012-06-10

"L’inspiration…"

Ô je te connais bien, toi qui erres dans mes parages. J’en ai pris l’habitude, devenue nécessité – ne me demandez pas pourquoi. Je sais seulement que je te confie ma langue. Bien que tu ne sois pas si reconnaissant après tout. Trop sauvage sans doute. Trop indépendant. Pas facile de t’approcher. Tu préserves entre nous ta distance de sécurité. Qui m’empêche de te nourrir. De toute manière tu refuserais. Tu es trop fier pour ça. D’ailleurs, à bien des égards, c’est davantage moi qui me nourris de toi.

Parfois, tu t’éclipses des jours durant. Mais quand tu n’es pas là, pas question de danser. Pas du tout. Ces jours-là sont bien sombres. Tu me manques, c’est tout – ne me demandez pas pourquoi. Je n’en dors plus la nuit. Je t’attends. Je t’attends et j’espère notre prochaine communion. Éprouver une fois encore la rare intensité de cet instant exceptionnel. Trop bref. Qui se produit d’un coup, sans signe avant-coureur. Quand tu m’invites sans raison dans ta bulle magique. Lorsque dans un élan voluptueux, d’un mouvement de tête, à la fois plein de grâce et de violence, tu viens cogner ma jambe. Et que je vibre d’un étrange frisson, lorsque tes hanches électriques me frôlent doucement. Quand tu me regardes avec tes grands yeux qui me racontent tant d’histoires et dans lesquels, à ce moment-là, j’ai l’impression de pouvoir lire. Quand tu me laisses enfin – oh ! à peine – effleurer ton dos rond d’une main timide. Sans jamais dire un mot – car le silence est ton royaume, comme l’est la pénombre. Puis tu repars déjà. Tu m’abandonnes seul et désemparé, en proie à un grand vide – ne me demandez pas pourquoi.

Fidèle compagnon, cruel sans le vouloir, je sais tapie en toi ma plus terrible angoisse : que tu t’en ailles un jour, définitivement !

2012-06-05

"L’incantateur…"

Pris d’un fou délire sous cape
Assis en ombre de grenier
J’énonce les sombres premiers
Nés d’oiseaux de fer qui s’échappent

Hors leur boite d’aluminium
Déposent leur fécondation
Odorante en inondation
D’humeur sur mon continuum

Là germent en mes creux espions
Au profond de leur émonctoire
Sur mémoire de collodion

Exutoires impertinents
Par livraison prémonitoire
Tombés d’étranges continents

2012-06-03

"Voies d’eau…"

Caravane des mots, courbe de niveau de crête invisible, tu progresses à l’aveuglette. Te traînes et titubes sur le métal à blanc de la page-désert ; sous les auspices envolés d’un signe. Qui se cherche, et n’en finit pas. Cordée de l’âme fluant méandres d’encre vers l’horizon du grain, tu rêves boire enfin au mirage prophétique du point. D’eau. Pressée de repartir. Sur une autre ligne.